Article de Jean-Yves Calvez paru dans la Revue Études oct. 2021,
On suit d’assez loin en Europe la grande crise du catholicisme américain relative aux crimes de pédophilie commis par des prêtres et dénoncés récemment avec vigueur. J’ai rendu compte de la situation dans les Etudes1. En juin, à Dallas (Texas), une réunion décisive de la Conférence épiscopale a pris des mesures radicales, adoptant, comme on l’a dit, la règle de « tolérance zéro ». Mesures si radicales que le Vatican, qui devait donner confirmation, y a fait réintroduire des moyens de défense et de protection judiciaire pour les prêtres accusés – à l’endroit desquels les « allégations » ne sont pas forcément « crédibles ». Quoi qu’il en soit, ces mesures sont entrées en vigueur, à la satisfaction générale.
A Boston, qui fut et demeure l’œil du cyclone, les procès continuent. Continuent également à affluer les demandes, souvent disproportionnées, des avocats des victimes. Le cardinal Law a démissionné. D’autre part, le diocèse envisage de se mettre sous la protection de l’article 11 de la loi sur les faillites (comme vient de le faire la grande compagnie aérienne, deuxième des Etats-Unis, United Airlines…). Il s’agit de ne pas laisser se dissiper un patrimoine largement destiné à des œuvres éducatives, sociales et caritatives. Ces affaires sont inévitablement sources de tensions nombreuses, et les « scandales » de sexual abuse apparaissent constamment dans les journaux comme dans les autres médias.
Comment les prêtres, innocents de ces abominations dans leur immense majorité (ils sont 45 000 aux Etats-Unis), vivent-ils la situation ? On se le demande parfois avec angoisse. Bien des laïcs ont pris la parole pour signifier leur désir, voire leur volonté, de prendre davantage part aux responsabilités dans l’Eglise2. Les prêtres ont forcément été plus discrets. Dans quel état d’esprit sont-ils ? C’est ce que révèle, assez bien, semble-t-il, un sondage publié par le Los Angeles Times du 20 octobre3.
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Il y a du mécontentement, voire de la colère, chez les deux tiers des prêtres, sur la manière dont les évêques ont traité ces problèmes de pédophilie avérée ou d’accusation de pédophilie. Pour certains, les évêques ont encore aggravé leur cas par l’insensibilité qui semble avoir caractérisé l’adoption d’une politique de tolérance zéro : les évêques n’ont guère eu soin de la protection et de la défense des prêtres en cas d’allégations sans fondement. Selon le Los Angeles Times, des prêtres ont exprimé « les mêmes réserves que celles manifestées par le Vatican » au sujet de la Charte pour la Protection des Enfants et Jeunes Gens dans sa version première (avant la révision romaine). (suite abonnés)